Communiqué de l'AIEA sur la crise dans le Haut-Karabakh
Communiqué du Comité de l’Association Internationale des Études Arméniennes (AIEA) sur la crise humanitaire dans le Haut-Karabakh
En tant que membres du comité de l’Association Internationale des Études Arméniennes (AIEA), responsables de défendre et promouvoir les études sur la langue, l’histoire, la culture et la société arméniennes, nous exprimons dans ce communiqué notre plus vive inquiétude jointe à notre indignation. Nous assistons aujourd’hui aux images dramatiques de l’exode d’une population innocente meurtrie et humiliée, éradiquée de ses terres ancestrales. Après neuf mois de blocus azerbaïdjanais du corridor de Latchine, seul axe routier liant le Haut-Karabakh à l’Arménie et permettant son approvisionnement indépendant, des attaques militaires ont été menées le 19 septembre par l’armée azerbaidjanaise frappant non seulement des sites militaires, mais aussi des bâtiments civils et des villages. Rappelons que dans un rapport publié le 7 août dernier, basé sur la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide, l’ancien procureur général de la Cour pénale internationale Luis Moreno Ocampo avait qualifié ce blocus en termes de « génocide ».
C’est sur une population affamée, éprouvée psychologiquement et privée de médicaments, de carburant, d’électricité et d’autres denrées de première nécessité depuis neuf mois que l’attaque a été menée, forçant les Arméniens du Haut-Karabagh à prendre la voie de l’exil et à quitter la terre qui fonde leur identité. La voie de la négociation pour résoudre la question du Haut-Karabagh, prévue par le cessez-le feu signé le 9 novembre 2020 par l’Arménie et l’Azerbaïdjan sous l’égide de la Russie, a été remplacée par la voie de l’agression militaire. Suite à cette guerre éclaire et à sa violence, les dirigeants de la république d’Artsakh ont dû capituler et ont proclamé il y a deux jours (28 septembre 2023) la dissolution de la République autoproclamée d’Artsakh à partir du 1er janvier 2024. La route de Latchine, bloquée pendant presque 300 jours, a été réouverte le 23 septembre et des milliers de voitures fuient chaque jour vers l’Arménie vidant ainsi le Haut-Kharabagh de sa présence millénaire arménienne. A l’heure où ces lignes sont écrites, plus de 100 000 habitants arméniens ont quitté la région pour s’abriter dans les lieux d’accueil prédisposés dans l’urgence par l’Arménie dans la région de Goris. Dans un communiqué du 21 septembre 2023, la Fédération internationale pour les droits humains (FIDH) soulignait qu’« Il y a un risque réel de génocide des Arméniens ethniques dans les zones sous le contrôle effectif de l’Azerbaïdjan».
En expliquant les raisons du conflit, les médias se contentent souvent de remonter à la chute de l’URSS pour dire que le Haut-Karabakh a revendiqué son indépendance unilatéralement, d’où un conflit de trente ans. On oublie de rappeler que les Arméniens se trouvent sur ce territoire depuis plus de deux millénaires. Ils y ont construit des églises, dont les plus importantes datent du IXe au XIIIe siècles, des monastères qui étaient non seulement des lieux de culte, mais aussi des lieux de préservation du savoir et d’une identité culturelle et religieuse. La République d’Artsakh, quant à elle, s’était dotée d’écoles et d’une Université avec des collaborations internationales, pour contribuer à cette même préservation.
La crise humanitaire et le nettoyage ethnique, dont témoignent de nombreuses sources d’origines diverses (voir les liens ci-dessous), s’accompagnent aussi d’un danger de génocide culturel. Les garanties que le patrimoine arménien sera préservé sont contredites par une politique culturelle révisionniste mise en place par l’Azerbaïdjan, qui a déjà totalement détruit la nécropole médiévale arménienne de la vieille ville de Djoulfa, au Nakhitchevan il y a quelques années, afin d’effacer toute trace d’une présence historique arménienne.
C’est tout cela qui risque d’être effacé aujourd’hui en arrachant une population à sa terre et nous voulons le rappeler.
Cette histoire, nous l’enseignons à l’Université de Genève, à l’Université Catholique de Louvain, à l’Université de Rome, à l’Université de Vienne et dans toutes les Universités qui comptent une chaire d’arménien : Oxford, Paris, Venise, UCLA, Harvard, Columbia, Bologne, etc. Nous appelons les organisations internationales à réagir vite et à intervenir efficacement pour défendre les droits humains ainsi que l’identité culturelle et le patrimoine historique des Arméniens du Haut-Karabakh.
Le Comité de l’AIEA Prof. Valentina Calzolari (Université de Genève), Présidente Prof. Tara Andrews (Université de Vienne), Secrétaire Dr Irene Tinti (Université de Florence), Trésorière Prof. Marco Bais (Università La Sapienza, Rome) Dr Emilio Bonfiglio (Université de Hambourg) Prof. Bernard Coulie (Université Catholique de Louvain) Prof. Nazénie Garibian (Institut des Manuscrits Anciens et Académie des Beaux-Arts d’Erevan) Prof. Robin Meyer (Université de Lausanne)
The Washington Post : https://www.washingtonpost.com/opinions/2023/09/22/nagorno-karabakh-genocide-armenia/
Lemkin Institute : https://www.lemkininstitute.com/sos-alerts-1/sos-alert—artsakh-
Le Monde : https://www.lemonde.fr/idees/article/2023/09/22/armenie-la-guerre-turco-azerbaidjanaise-peut-etre-analysee-comme-l-entreprise-de-destruction-d-un-peuple-rescape-du-premier-genocide-du-xx-siecle_6190460_3232.html
Le Monde : https://www.lemonde.fr/international/article/2023/09/02/au-haut-karabakh-l-arme-de-la-faim-de-l-azerbaidjan_6187566_3210.html
The Guardian : https://www.theguardian.com/world/2023/sep/18/genocide-warning-in-nagorno-karabakh
Genocidewatch : https://www.genocidewatch.com/single-post/genocide-is-underway-in-nagorno-karaba
Le Figaro : https://www.lefigaro.fr/international/haut-karabakh-l-azerbaidjan-lance-une-offensive-d-envergure-contre-plusieurs-villes-20230919#la-france-denonce-une-operation-illegale-injustifiable-inacceptable
Le Monde : https://www.lemonde.fr/international/article/2023/09/19/haut-karabakh-l-azerbaidjan-annonce-lancer-une-operation-militaire-dans-la-region-disputee-erevan-denonce-une-volontee-d-entrainer-l-armenie-dans-les-hostilites_6189995_3211.html
Le Temps : https://www.letemps.ch/monde/le-petrole-immunise-l-azerbaidjan-face-aux-europeens